Fiches Informatique & Numérique - Usages André Laurens - Café’in Numérique - septembre 2024
Derrière ce vocable se cache une réalité qui est passée en quelques années de la sphère professionnelle au grand public, sans que les acteurs du monde numérique (entreprises, organismes publics, associations d’usagers, etc.) aient fait ce qu’il fallait pour le rendre moins “nébuleux” aux yeux d’utilisateurs non avertis.
C’est le propos de cette fiche d’éclairer le propos et d’en présenter les mécanismes, les usages, les avantages, les contraintes, les alternatives pour y accéder.
Le cloudLe cloud c’est quoi ?Les servicesLe stockage de donnéesLa capacité de traitementLe traitement dans le cloudLe travail collaboratifEt en pratique pour les particuliers ?Usage, avantages et inconvénientsLes fournisseurs de services, le coûtLes logiciels dans le cloudLes extrêmes du cloud
Le cloud computing (ou informatique en nuage en français), plus souvent dénommé “le cloud”, que l’on accède à travers Internet, est ainsi dénommé par référence au symbole en forme de nuage représentant parfois Internet dans les schémas des réseaux informatiques.
Il s’agit d’un certain nombre de ressources informatiques - espaces de stockage de données avant tout, mais aussi capacité de calcul ou logiciels - auxquelles on peut avoir accès sur Internet sans les avoir en propre sur son ordinateur. Ces ressources sont mises à la disposition des utilisateurs par des prestataires et avec des conditions diverses, qui seront évoquées plus bas.
Si les usages ci-dessus semblent relever a priori de l’informatique professionnelle, il faut noter que de nombreux acteurs - d’abord les géants du numérique, puis d’autres acteurs qui se sont créés spécifiquement sur ce créneau - ont développé des services grand public analogues, ciblant les utilisateurs très connectés ou “nomades”.
Pour les usages professionnels, les intérêts du cloud résident dans :
une plus grande de capacité de stockage que sur un disque dur d’ordinateur, et la possibilité d'adapter le service à l'évolution des besoins ;
la fiabilité du stockage et la gestion du matériel : les données sont régulièrement sauvegardées ou répliquées sur divers supports, et restaurées de manière transparente en cas de panne ; la maintenance, l’évolution, et plus généralement la gestion du parc matériel sont pris en charge par le prestataire ;
possibilité d’accéder aux données depuis n'importe où, pourvu qu’un accès Internet soit disponible ;
possibilité de mettre des données à disposition de communautés d’utilisateurs, sans avoir à les diffuser nominativement.
Pour les particuliers, la capacité de stockage n'est en général pas un critère vues les capacités actuelles des disques durs des ordinateurs personnels, l’accent sera alors mis sur l’accès nomade aux données et l’utilisation comme sauvegarde.
Il s’agit de fournir à l'utilisateur l’accès à une plateforme (machine + système d’exploitation), plus puissante que la sienne propre, pour développer et exécuter ses programmes. Ce type de service peut faciliter les développements collaboratifs, en combinaison ou non avec l'utilisation de données mises en commun. Les ressources fournies par cette “machine virtuelle” peuvent aussi être adaptées à l'évolution des besoins.
Clairement, ce type de service cible les usages professionnels, et non les particuliers.
Là il s’agit de permettre à l’utilisateur d’exécuter des logiciels dont il ne dispose pas sur son ordinateur :
soit qu’ils soient très spécifiques ou nécessitent des puissances de calcul particulièrement élevées,
soit que l'utilisateur ne souhaite pas avoir à en gérer l’installation, le suivi des versions, etc.,
soit tout simplement que ce soit le mode de distribution choisi par l’éditeur du logiciel.
Dans les deux premiers cas, il s’agit encore d’usages professionnels ; seul le dernier cas peut impacter les particuliers : en effet, de plus en plus de logiciels d’informatique personnelle ne sont plus que “dans le cloud”.
Les fonctions du cloud peuvent être aussi étendus à l’organisation du travail et au partage de l’information, avec des “outils de productivité” aussi dénommés groupware :
client de messagerie et comptes de mail,
calendrier et répertoire de contacts synchronisés1 entre cloud, ordinateur et terminaux mobiles, et éventuellement partagés entre les collaborateurs,
suite bureautique (traitement de texte, tableur, etc.) avec dans certains cas, la possibilité de rédaction collaborative,
outils de gestion de projet (fiches de tâches partagées, sondages et organisation de rendez-vous, etc.),
conférence virtuelle : audio/visioconférence, messagerie instantanée textuelle (chat).
Certains outils sont implantés comme des applications tournant sur le serveur cloud, ou bien simplement comme des passerelles vers un outil externe (conférence virtuelle notamment), le tout accessible à travers une interface web de type “tableau de bord” (dashboard).
Ces services trouvent leur utilisation dans les entreprises qui, par choix ou par manque de moyens, ne s’équipent pas en propre, mais aussi dans le monde associatif, pour faciliter l’organisation des activités de l’association et favoriser la collaboration entre les adhérents.
L’usage le plus répandu aujourd'hui, tous utilisateurs confondus (professionnels et particuliers), est relatif au caractère “nomade” du cloud : pouvoir accéder à ses données depuis n’importe où, pour peu qu’on dispose d'un accès Internet.
Par exemple, quand on part en voyage, il peut être très pratique et plus sûr de stocker ses documents de voyages, réservations, copies de papiers d’identités, dans le cloud, que de les avoir sur soi sous forme papier, au risque de les perdre ou de se les faire voler.
Un autre avantage est qu’on peut accéder à ses données depuis plusieurs terminaux (ex. ordinateur, smartphone), et donc qu’on peut synchroniser1 ces données (ex. carnet d’adresses, agenda, …) entre ces supports.
Enfin, on peut se servir d’un espace sur le cloud pour partager avec d’autres utilisateurs des données trop volumineuses pour être échangées par mail (cf. fiche Communiquer - Le mail).
Mais l’avantage du “n’importe où” porte avec lui le premier inconvénient : pas de réseau, pas de cloud. Qui plus est, les performances du réseau (couverture, débit, fiabilité) deviennent tout à fait cruciales, et peuvent rendre le cloud inutilisable si elles ne sont pas au rendez-vous.
Un autre inconvénient est le risque de l’atteinte à l'intégrité et à la confidentialité des données. Certes, toute machine connectée à Internet est susceptible d'être la cible d’une cyberattaque, mais là le problème est accentué par le fait que les données sont beaucoup plus souvent échangées sur les réseaux. Qui plus est, il n’est pas toujours aisé de savoir où sont hébergées nos données (cf. infra), et tous les pays n’ont pas les mêmes lois que la France sur la propriété et la confidentialité des données.
En général, les services cloud sont payants, et leur coût dépend du niveau de service2.
Or, dans l’esprit de beaucoup d’utilisateurs, le cloud est gratuit.
C’est le cas avec les géants du net qui offrent des services gratuits aux particuliers, sans qu’il soit possible de savoir où les données sont hébergées, sans garantie de confidentialité ni de respect de la vie privée, ou subordonnant de manière plus ou moins implicite l’utilisation du service au renoncement à la propriété des données stockées ; tant et si bien que la presse se fait régulièrement écho de manquements aux principes de propriété et de confidentialité des données, de cas de captation évidente d'informations, et avérant chaque jour un peu plus le diction “si c'est gratuit, c’est que c’est toi le produit”.
Par ailleurs, les associations ou organisations militantes de l’informatique libre et de la résistance à la sujétion aux géants du net, se donnent mission de fournir des services indépendants et respectueux de la vie privée.
Exemples de services grand public gratuits :
Google Drive, OneDrive de Microsoft, Dropbox, sont des exemples de solutions génériques propriétaires, pour disposer d’un espace de stockage et d’échange sur le cloud ;
Google fournit gratuitement aux détenteurs de comptes Google la possibilité de sauvegarder diverses données sur le cloud : carnet d’adresses, agenda, photos, etc. sans qu’on sache où sont hébergées ces données, donc sans savoir si elles sont protégées par la législation française ou européenne ;
Apple a depuis longtemps misé sur le “tout cloud” : il est désormais obligatoire de passer par le cloud (et une application Apple spécifique) pour partager des morceaux de musique (avec iTunes) ou des photos (avec iPhoto) entre son iPhone et son Mac, sans qu’il soit d’ailleurs possible de les transférer de l’un à l’autre.
L'informatique libre propose aussi des solutions fonctionnellement analogues comme Nextcloud : il s’agit d’une suite de logiciels libres, que l’on peut télécharger gratuitement pour l’installer sur une machine personnelle (auto-hébergement), mais peu d’utilisateurs se sentiront capable de le faire, car il va falloir la laisser tourner en permanence, l’administrer, faire des sauvegardes, etc.
On aura donc plutôt tendance à rechercher un hébergeur tiers.
Ce n’est pas difficile, car dans le monde des associations ou organisations militantes de l’informatique libre, il en est qui se donnent mission de fournir des services indépendants et respectueux de la vie privée : ils proposent en général des services minimaux gratuits et des services un peu plus étoffés pour des sommes modiques. En effet, l’hébergement a un coût, et contrairement aux géants du net, elles ne le compensent pas en vendant nos données personnelles.
Parmi elles, le réseau des Chatons est un collectif français initié par Framasoft3, qui rassemble plus de 70 hébergeurs indépendants fournissant des services divers, dont des services cloud transparents sur la localisation des serveurs.
N.B. : Dans tous les cas de service (propriétaire ou libre, gratuit ou non), l’espace de stockage mis à disposition d’un particulier aura un volume très petit en comparaison avec la capacité d’un disque dur d’ordinateur.
L’usage, pour les particuliers, de logiciels dans le cloud a commencé par être une option alternative à l’installation classique sur l’ordinateur de l’utilisateur : les avantages présentés étaient de libérer de la place sur l’ordinateur, de bénéficier d’une migration automatique en cas de changement d’ordinateur, d’avoir toujours la dernière version et donc les dernières corrections de bugs, de failles de sécurité.
Maintenant, il est des logiciels pour lesquels il n’y a pas d’autre choix, et cela amène une évolution du paiement du service. Jusqu’ici, on payait pour un logiciel un droit d’usage, en échange de quoi on en recevait une copie que l’on installait sur son ordinateur et que l’on pouvait utiliser aussi longtemps qu’on voulait. Pour utiliser un logiciel dans le cloud, il faut désormais s’acquitter d'un loyer, dont le paiement ouvre à un droit d’usage pour une période donnée, au terme de laquelle l’accès au logiciel est invalidé si le loyer n’est pas payé à nouveau.
Par exemple, c’est le cas pour la dernière version de la suite bureautique Office de Microsoft, baptisée Office 365, qui n’est plus installée sur les ordinateurs des utilisateurs mais “tourne dans le cloud”. C’est le cas aussi pour les logiciels de la firme Adobe comme Photoshop.
Le premier à proposer (gratuitement) ce type de service entièrement virtualisé a été Google avec sa “suite” bureautique Google Docs, Google Sheets, Google Slides, visant initialement la rédaction collaborative de documents au sens large. Ces outils ne sont accessibles que par une interface web et ne travaillent que sur des fichiers situés sur le Google Drive. Il est possible de télécharger ces fichiers sur le disque dur de l'ordinateur, mais on ne saura rien en faire car il n'existe pas d'application Google Docs/Sheets/Slides installable sur un PC (du coup, par défaut, le téléchargement convertit en fichier Word, Excel ou Powerpoint).
Dans le monde des logiciels libres, qui sont gratuits dans l’immense majorité des cas, la règle reste l’installation sur l’ordinateur, à l’exception des “outils de productivité” ou groupware qui viennent avec certaines offres cloud.
Une nouvelle étape dans la “cloudisation” de l’informatique personnelle est atteinte depuis une dizaine d’années avec l’apparition du Chromebook de Google, qui donne une réalité au concept de network computer4 théorisé dans les années 1990.
Chromebook est le nom donné par Google aux ordinateurs portables fonctionnant sous son système d’exploitation Chrome OS, dérivé de Linux comme l’est Android. Ces appareils sont destinés principalement à exécuter différentes tâches avec pour interface le navigateur web Google Chrome. La plupart des applications (en particulier les Google Docs/Sheets/Slides cités plus haut) et des données utilisateurs associées résident dans le cloud plutôt que sur l’appareil lui-même. Pour cette raison, les Chromebooks sont généralement proposés avec un espace de stockage local bien plus petit que les ordinateurs portables habituels. Leur puissance de calcul est, elle aussi, généralement inférieure.
S’ils présentent des avantages pour l'utilisateur non averti - interface graphique unifiée, facilité de gestion des logiciels via des magasin d’applications (Chrome Web Store, Google Play Store), sauvegardes en ligne, migration facilitée, etc. -, ils présentent aussi l'inconvénient majeur de stocker l'essentiel des données personnelles de l'utilisateur dans le cloud, avec deux conséquences :
pas de réseau, pas d’accès aux données (et à la clé le syndrome “où sont passées mes données ?”),
les données sont stockées chez une unique entreprise (Google), ce qui pose encore une fois la question du respect des principes de propriété et de confidentialité des données.