L'informatique, c'est pas magique
L'évolution de nos sociétés vers de plus en plus de services numériques, se manifeste dans deux domaines qui touchent le quotidien de tout un chacun :
Dénommé aussi commerce électronique ou e-commerce, il s'est développé avec l’apparition du web, et a été très vite été adopté par les grandes enseignes de vente par correspondance.
Puis de nouvelles sociétés (ex. eBay, Amazon) se sont créées en basant exclusivement leur activité sur ce nouveau modèle d'entreprise : commande via un site web qui présente le catalogue des produits ou services proposés, paiement "en ligne" par carte bancaire ou par porte-monnaie électronique (ex. PayPal), livraison à domicile ou en point relai pour les produits matériel, transmission via internet pour les services immatériels (ex. banque en ligne) ou échangeables sous forme numérique (ex. billets de train ou de spectacle, voucher ou bon d'échange de prestation hôtelière ou de location de voiture).
S'il présente bien des avantages pour le client (commander/recevoir sans avoir à se déplacer, accès à un énorme choix de produits et services divers, possibilité de comparer entre diverses offres, voir d'avoir de meilleurs prix qu'en magasin) comme pour le commerçant (coûts réduits par rapport à la distribution traditionnelle : pas de réseau de magasins à entretenir, de vendeurs à payer), le commerce en ligne n'est pas exempt d'inconvénients pour le client : on notera en particulier les problèmes de sécurité des échanges sur Internet qui ont occasionné bien des arnaques (qu'il s'agisse de sites de vente "pirates", ou que les coordonnées bancaires du client aient été captées par un tiers malhonnête) avant que des dispositions légales ou réglementaires ne soient prises, assorties de dispositifs de sécurisation du paiement.
Phénomène récent en pleine évolution, il est difficile d'en appréhender les conséquences globales sur nos sociétés. Citons néanmoins quelques sujets d'inquiétude : exploitation et volonté de dérégulation de la circulation des données (informations personnelles, bancaires, etc.) de la part des géants du numérique (GAFAM) ; impacts environnementaux d'un modèle économique basé sur une chaîne logistique non optimisée (énergie dépensée et bilan carbone du transport des marchandises, artificialisation des terres agricoles par le déploiement des entrepôts de commerce en ligne, influence sur la déforestation de l’augmentation de la consommation de papier et de carton pour les emballages) ; conséquences sur le commerce traditionnel, en particulier sur le commerce de proximité, en termes d'emploi et de service aux personnes.
La sphère administrative n'est pas exempte du processus de numérisation des échanges, que l'on désigne par dématérialisation, c'est-à-dire le remplacement dans une entreprise ou une organisation de ses supports d'informations matériels (souvent papier) par des fichiers informatiques et des ordinateurs.
Voulue à l'origine pour pallier les inconvénients du papier - coût de production et de conservation, difficulté de recherche de l'information, délais de communication et de traitement des dossiers - la gestion entièrement électronique des données ou des documents est devenue un des axes majeurs d'une politique de modernisation visant une efficacité accrue des entreprises et des administrations.
Elle touche aussi bien la sphère commerciale (dématérialisation des paiements, des factures, de la monnaie, des achats de biens culturels, ...) que l'administration électronique ou dématérialisation des services publics, et ce à divers niveaux possibles : information en ligne, téléchargement de formulaire à imprimer (sans remplissage possible en ligne), formulaire à remplir en ligne, et à valider en ligne, demande ou déclaration en ligne (avec envoi dématérialisé du formulaire), dématérialisation complète, via offre d'un compte et espace personnel de suivi et possibilité de transaction, historique, etc. Récemment encore, elle s'étend à la sphère médicale avec la prise de rendez-vous en ligne, la téléconsultation, le transfert de documents (ordonnances, résultats d'analyses) sous forme numérique, et à l’éducation (devoirs, carnet de notes en ligne et correction des examens à distance). Tous ces services se présentent sous la forme d'un site web, pour lequel il faudra le cas échéant s'authentifier, après ouverture d'un compte caractérisé par un identifiant et un mot de passe.
Si le processus de dématérialisation amène des améliorations évidentes, tout au moins théoriquement (accès facilité à l'information, plus grande rapidité des procédures, amélioration de la disponibilité et de l'accessibilité des services - démarches possibles 7 jours sur 7, sans avoir à se déplacer ni à faire des heures de queue), il présente aussi des inconvénients notables et laisse présager des impacts non encore clairement identifiés et non maîtrisés. Citons pêle-mêle : projet imposé et non partagé par l'ensemble des participants, risque de transformer la fracture numérique en fracture administrative, c'est-à-dire exclusion de certaines catégories de la population (personnes les moins favorisées, personnes mal-voyantes, personnes âgées…) ; réduction des effectifs dans les services en charge, avec impact sur l'emploi, sur la charge de travail des personnels restants, et sur le service rendu à l'usager (pas de possibilité d'expliquer son problème à un interlocuteur humain en capacité de faire avancer le dossier) ; risque de compromission de la protection de la vie privée et de la confidentialité des données (malgré des dispositifs de sécurisation accrue, la captation d'informations par des pirates du net reste d'actualité) ; impacts environnementaux en termes de consommation de ressources (matières premières pour les équipements électroniques, énergie consommée par les centres de données, gestion des déchets électroniques).